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Perpezac-le-Noir

Pays d'Art et d'Histoire

Le Mas du bois en 1941

C’est un village très ancien où pendant très longtemps les habitants ont été les métayers, bordiers, journaliers des familles puissantes de Perpezac : les Plaisant de Bouchiat, seigneurs du Bigeardel,les Maîtres de Poste du Bariolet-Bas appelé Salvie, et quelques propriétaires aisés du bourg de Perpezac. Les habitations sont modestes et rassemblées dans un hameau légèrement en surplomb de la campagne environnante.
Le village est traversé par un chemin qui s’ouvre sous le bourg, en direction du Bariolet à droite de la route des Graves et de la Croix( appelée un temps Croix de Bouillaguet). Il est également relié au Bigeardel par un chemin qui traverse la Route Nationale en haut de la Côte du Bariolet. Ce chemin est aujourd’hui déclassé mais on peut en apercevoir le tracé dans les prés.
La route actuelle qui conduit au bourg n’existe pas. Cependant les enfants du Mas du Bois se rendent à l’école par un sentier à travers prés jusqu’à la Croix de Laleu.

En 1941, les habitants du Mas du Bois sont tous propriétaires de leur exploitation et les sept maisons sont occupées.

A l’entrée du village, à droite une maison de construction relativement récente, aux belles proportions appartient à Monsieur Goursolas, originaire des Valadas, qui a épousé une demoiselle Bosselut, du Mas du Bois. Comme il est gendarme en Haute Corrèze, son exploitation est confiée à une famille tchéque, les Rausch, qu’il a recrutée dans les camps dont il a le contrôle.

Au centre M. et Mme GOURSOLAS entourés de leur fermier RAUSCH et sa famille, de Mme LITTMAN et Lili

En suivant le chemin à gauche la maison est occupée par la famille Monteil,(ensuite par les Borie, actuellement par les Renaudie),

En face la maison Marsaleix( Leymarie) et la maison Vayne: au début des années 20 ceux-ci ont quitté Fontaynas pour devenir propriétaires au Mas du Bois.
En contrebas deux maisons mitoyennes. La première dont les derniers habitants s’appelaient Faye est inoccupée et appartient à Monsieur Goursolas, et la seconde, qui a été agrandie dans les années 20 est à la famille Bel, depuis longtemps implantée au mas du Bois : Louis Bel et son épouse Léontine( née Mergnat, de la Côte du Bariolet)

La famille VAYNE (Maurice et son père)

Un peu plus haut dans le village, une petite maison avec grange étable attenantes, qui a longtemps appartenu à la famille Charbonnel du Bourg, et dont les fermiers, les Chazal-Bretagnolle sont propriétaires depuis peu. En 1941, ils hébergent leur fille Marie, dont l’époux Louis Nauche est retenu prisonnier en Allemagne et leur petite fille Jacqueline qui ont quitté Paris occupé pour se réfugier dans leur famille en zone libre.

Enfin, dernière bâtisse dominant un peu le village, la maison des Bosselut. L’emplacement permet d’observer la circulation sur la Route Nationale, ce qui sera bien utile dans les circonstances que nous allons évoquer.

En 1941 le village du Mas du Bois est entièrement caché par les bois de châtaigniers qui l’entourent et auxquels il doit son nom.On y est en zone libre et les conséquences de l’occupation allemande ne se font pas encore ressentir.

La famille LITTMAN

C’est dans ce contexte que vont arriver au Mas du Bois Alfred Littman, 17 ans, sa maman et sa petite sœur Lili.

(Pour cette partie du récit, mes sources sont les souvenirs écrits par Alfred Littman, destinés à sa famille, que son fils Pascal a adressés à la mairie de Perpezac au début de cette année 2022. Ils ont été confirmés par les témoignages des habitants du Mas du Bois, en particulier Madame Jacqueline Simon, née Nauche, dernier témoin direct des faits rapportés).

Les parents d’Alfred et de Lili sont des polonais de confession juive arrivés en France en 1922 et installés depuis à Paris où ils travaillent dans la confection et le commerce de fourrure.Alfred est né en 1923 et sa sœur en 1931. En 1940, Alfred est élève de première au Lycée Michelet. Depuis septembre 1939, son père est engagé dans la Légion étrangère , il joue le rôle de chef de famille . Bien que prévenus par les leurs des persécutions anti-juives en Allemagne (presque toute leur famille sera exterminée), les Littman s’estiment en sécurité. Ils ne se sentent pas juifs, mais français.

Après la défaite , le 11juin 1940, pour se rapprocher du père dont le régiment de la Légion étrangère est cantonné en zone libre ils prennent la route du sud. Au milieu de la débâcle générale,c’est Afred qui conduit leur voiture chargée de tout ce qu’ils ont pu emporter. Le voyage est terrible :
« Accaparés par les pannes, les redémarrages à la manivelle ,le spectacle des avions dans le ciel,et celui de l’immense cortège dont nous faisions partie…. nous n’en étions qu’au prélude de nos détresses. Les années qui suivirent devaient nous enseigner l’art difficile de déceler, devant un nouveau visage à quel genre de service il fallait s’attendre : allait-on nous vendre de l’eau ou nous offrir l’hospitalité?En période d’oppression policière on pouvait redouter une troisième éventualité : la dénonciation »

Le voyage se terminera huit jours plus tard à Argentat où ils sont hébergés dans une école dans des logements de fortune. Le père leur rend visite quand il peut. Alfred est interne au Lycée Edmond Perrier à Tulle. Mais la situation des juifs en zone occupée se dégrade. Vichy met en place une politique anti-juive. Dans le camp où il se trouve, Monsieur Littman a rencontré Monsieur Goursolas, adjudant-chef à la gendarmerie de Bort les Orgues, chargé du contrôle des très nombreux camps de rétention autour de Neuvic, Egletons, Lamazière Basse. Celui-ci lui propose d’héberger les siens dans une petite maison qui lui appartient dans le discret hameau du Mas du Bois . Il le recommande à Monsieur Rausch , un tchèque qu’il a pu recruter dans ces camps et qui va devenir son fermier au Mas du Bois avec son épouse et ses trois enfants.

Mme LITTMAN et ses deux enfants

L’arrivée aux maisons BEL et LITTMAN (le cycliste est Ricou MONTEIL)

L’arrivée des LITTMAN au Mas du Bois (Récit d’Afred)

« Ce jour-là, était-ce en octobre ou en novembre 1941, les habitants du Mas du Bois accueillaient des nouveaux venus et aidaient à leur emménagement .L’abri que nous avions espéré était une petite habitation que le grand propriétaire du village, M.Goursolas, nous avait louée…..Le sol était de terre battue. La porte demandait un sérieux calfeutrage. La table, les bancs étaient d’un noir peu hospitalier:pas d’électricité,pas d’eau courante, cela va de soi. Ma mère alluma un feu dans la cheminée et autant qu’il m’en souvienne, nous hésitâmes longtemps avant de déballer nos paquets.Le feu de bois nous avait fait du bien, nous avions mangé, avec des feuilles de journal en guise de nappe. Nous savions déjà apprécier ces richesses mais elles étaient peu de chose à côté de la joie qui nous attendait.
Frappant à notre porte avec courtoisie, se tenait Louis Bel, notre voisin, portant un rouleau de fil électrique. Sans rien nous dire, il était allé à Perpezac- ou était-ce chez Bournazel, aux Quatre Routes?- acheter le fil, la douille, l’ampoule, pour nous relier à SON compteur, en attendant que la Compagnie installe le nôtre.
Je n’oublierai jamais cette lumière : je n’en ai jamais connu de plus chaude. »

Les familles BEL et MERGNAT dans la cour de la ferme BEL

La famille LITTMAN au Mas du Bois de 1941 à 1943

Marie NAUCHE et sa fille Jacqueline

Marie NAUCHE et sa fille Jacqueline

Afred, Lili et Georges BEL

Afred, Lili et Georges BEL

Les écrits d’Alfred témoignent d’une solidarité, d’une entraide exemplaire pendant les deux années passées au Mas du Bois, comme pendant cette nuit de 1943 où sous la menace d’une rafle, la famille fut cachée dans un petit bois où avait été aménagé un abri pour eux en prévision de cette menace. En échange Alfred et sa maman essaient d’aider au mieux qu’ils peuvent pour des travaux agricoles qui leur sont totalement étrangers. Lili est heureuse d’aller à l’école de Perpezac avec Jacqueline Nauche .
Alfred de son côté essaye de se débrouiller pour améliorer l’ordinaire en réalisant des photos d’identité avec son appareil photo, qu’il a sauvé de la débâcle, appareil très performant , si l’on en juge par la qualité des photos que son fils Pascal a eu la gentillesse de nous communiquer. Alfred travaille un peu pour le notaire, il est le lien entre la famille et les autorités locales de plus en plus sollicitées pour traquer les juifs .
A ce propos,Alfred raconte un épisode émouvant au moment où il doit aller se faire recenser comme juif à la mairie.

« En 1942 en apposant sur mes papiers le tampon « Juif » le secrétaire( Albert Martinie ?) m’inscrivit sur une liste de personnes destinées à l’internement. Devant mes protestations, il prit sa règle, son porte-plume et me raya de la liste . Je ne savais pas à quoi j’échappais. Lui non plus. »

Devant les menaces qui se précisent, les Littman quittent le Mas du Bois pour Sarlat où la famille est séparée . Le fils rejoint le maquis, Lili est hébergée sous un faux nom dans un institut catholique.La maman devient bonne dans une famille bourgeoise avec la consigne de passer pour muette tant son accent pourrait la trahir.

Après la libération, ils se retrouveront avec le papa au Mas du Bois avant de revenir à Paris.